Au sujet du coffret « The Complete Wilhelm Furtwängler on Record »
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Ce coffret de 55 CD dont la composition est donnée ici: Composition du Coffret propose la totalité des enregistrements commerciaux de Wilhelm Furtwängler, y compris les enregistrements, notamment publics qui n’avaient pas été publiés à l’époque, et les prises alternatives existantes des enregistrements commerciaux.
Warner a malencontreusement dissout l’équipe londonienne qui opérait dans les studios d’Abbey Road, et fait maintenant appel à Art et Son. Dans le cas particulier de Furtwängler, la grande majorité des enregistrements d’origine EMI a été numérisée en 24 bits/96 KHz par l’équipe d’Abbey Road, il y a maintenant dix ans, en vue d’une édition en SACD au Japon, qui fait figure de référence. On peut dès lors s’étonner d’une part que l’on procède de nouveau, en 2021, à cette numérisation, avec le risque de la dégradation éventuelle des bandes qui ont été enregistrées entre 1949 et 1954, et d’autre part, que l’on n’ait pas fait appel pour ce faire à Paul Baily, un ancien d’Abbey Road, qui connaît très bien le « son Furtwängler », comme le montrent amplement ses reports réalisés pour le label Testament.
On peut enfin se réjouir du retour au catalogue (CD14 et CD16) de l’ « Eroïca » de Beethoven et de la Symphonie n°1 de Brahms (WPO-1947), et surtout (CD22) de la Symphonie n°4 de Beethoven (WPO-1950), qui quoique très supérieure au « remake » de 1952, était introuvable depuis des dizaines d’années.
On notera que les premiers enregistrements sur bande ont été effectués à Lucerne en août 1949 (CD21):
29-31.VIII.1949, Kunsthaus, Lucerne New remastering 2021 from original tapes
I- Les nouveautés au catalogue Warner:
1- En plus des enregistrements Polydor déjà présents dans le récent coffret DGG (2019), on trouve la Danse Slave n°3 De Dvorák (CD3) et deux extraits de répétition (CD2: Mendelssohn Ouv. Hébrides et surtout Strauss Till Eulenspiegel), trois enregistrements déjà publiés en 2004 par la Société Wilhelm Furtwängler (coffret 3CD SWF 042/4), ainsi que l’Ouverture du Freischütz de Weber enregistrée en 1926.
2- La 9ème de Beethoven (CD5) donnée le 1er mai 1937 au Queen’s Hall de Londres (BPO; The London Philharmonic Choir). Cet enregistrement avait déjà été publié en CD au Japon par EMI-Toshiba (TOCE-6057) et surtout le Wilhelm Furtwängler Center of Japan (WFCC-0301).
3- Des enregistrements de Covent Garden 1937 (CD 6 à 8: Walküre Acte III et extraits de Götterdämmerung). Ils ont déjà été publiés sous divers labels (Immortal Performances, Music and Arts, Myto).
4- Quatre faces de prises alternatives de la Symphonie n°2 de Brahms, enregistrée à Londres par Decca avec le LPO en 1948 (CD17). Elles ont déjà fait l’objet d’une parution par le Wilhelm Furtwängler Center of Japan.(CD WFFC1801-HYM), à ceci près que les prises retenues pour la version « en continu » ne sont pas les mêmes. Les prises supplémentaires pour le coffret Warner sont de ce fait 12080-1;12082-1;12083-1 et 12086-1, alors que ce sont 12080-2, 12082-3; 12083-2; 12086-2 pour le CD du WF Center of Japan.
5- Les CD 41 à 43 sont consacrés à la Matthäus-Passion de Bach, suivant un nouveau un montage à partir des concerts des 14 et 17 avril 1954:
live: 14 & 17.IV.1954, Grosser Saal, Konzerthaus, Wien New editing and new remastering 2021
On connaît une précédente publication avec un autre montage (EMI a sauf erreur enregistré les quatre concerts), et l’omission de certains airs de basse à la demande du chanteur (EMI Classics Références 2 CD 7243 5 65509). La totalité du concert du 15 mai 1954 tel que diffusé par Rot-Weiss-Rot avec une prise de son moins proche que celle d’EMI a été publiée dans un Coffret Orfeo (C834 118Y).
L’utilisation mentionnée du dernier concert (17 avril à 15h) peut sembler étonnante au vu du fait qu’au moment du concert de la veille, le 16 avril à 19h30, il a été annoncé qu’Anton Dermota, qui assurait la partie de l’Évangéliste et toute la partie de ténor, avait décidé de chanter en dépit d’une grosse bronchite (« schwere Erkältung ») pour ne pas compromettre le concert, et qu’il est hautement probable que, le 17, son état vocal ait été problématique.
Insert dans le programme du 16 avril 1954
6- Enfin, le CD54 est dédié à des inédits enregistrés en studio en 1950 (voir aussi la plage 9 du CD24), ce à quoi s’ajoute un enregistrement radiophonique, l’ « Inachevée » de Schubert en concert à Copenhague le 1er octobre 1950.
II- Le cas des Variations Haydn de Brahms enregistrées à Vienne les 18 et 23 décembre 1943:
Il existe ici pas moins de 8 faces 78 tours de prises alternatives, dont l’intérêt est capital, car d’une prise à l’autre, il y a des nuances de phrasé et de tempo qui attestent d’un travail perpétuel sur l’orchestre comme l’écrit justement Olivier Verrey. Dans cette édition Warner qui se voulait exhaustive notamment en ce qui concerne les prises alternatives, l’oubli de ces documents (à moins que la liste des plages donnée par l’éditeur soit erronée) est inexplicable.
Elles ont fait l’objet de deux éditions en microsillon dues respectivement aux Sociétés W. Furtwängler française et japonaise.(SWF 7602 et JPL-1196), avec les indications de W. Furtwängler et deux textes, l’un d’Élisabeth Furtwängler et l’autre d’Olivier Verrey. La Face 1 propose les 6 prises retenues et la Face 2, les 8 prises alternatives, dont 4 pour les variations V et VI.
III- Le cas de la 4ème de Schumann (CD 36):
Contrairement aux éditions précédentes, une seule date est mentionnée pour cet enregistrement:
14.V.1953, Jesus Christus Kirche, Berlin-Dahlem
On connaît le récit selon lequel Furtwängler, insatisfait des prises morcelées a exigé de jouer une dernière fois l’œuvre dans sa totalité et sans interruption, faute de quoi, il abandonnerait l’enregistrement. De ce point de vue, une seule date, le 14 est donc plausible.
Mais la documentation nous raconte une autre histoire. En effet, il y a eu, avec les 104 musiciens du BPO, trois séances d’enregistrement, les 12, 13 et 14 mai, ce qui soit dit en passant fait beaucoup pour une œuvre durant tout juste une demi-heure:
Mais, on voit aussi, écrit en bleu de la main de la productrice Elsa Schiller, la mention d’une séance supplémentaire d’une heure, le 19 mai entre 12 et 13 heures pour des raccords (« Korrektüren »).
Cependant, le document définitif signé le 18 juin par Elsa Schiller n’indique pas si les montages de la prise globale du 14 mai proviennent seulement de la séance du 19 mai, ou bien aussi des autres dates, les 12 et 13 mai:
Ces documents étaient joints aux bandes originales 76 cm/s qui ont été utilisées pour l’édition en 2011 au Japon sous forme de SHM-CD UCCG-9787 et de SACD UCGG-9020.
IV- Le cas du Prélude de Lohengrin (Acte I) à Lucerne:
Il existe deux enregistrements de ce Prélude effectués à Lucerne. Le premier a été réalisé le 30 août 1947 au Kunsthaus et a été publié en 1998 par Testament (CD SBT 1141) à partir des matrices 2ZA 42-43. Il est étonnant qu’il ne fasse pas partie des enregistrements publiés dans ce coffret.
Le second, qui est par contre inclus dans le coffret Warner a été effectué le 29 août 1949 au Kunsthaus (matrices 2ZA 61/62) et il a été publié en 1978 par la Société Wilhelm Furtwängler (microsillon SWF 7801).
Espérons que le texte du livret joint au coffret apportera des réponses à certaines des questions posées ici.
4 réponses sur « Au sujet du coffret « The Complete Wilhelm Furtwängler on Record » »
En ce qui concerne l’enregistrement par DGG au mois de mai 1953 de la « Quatrième » de Schumann, il reste difficile de savoir à partir de quelles prises le montage a été effectué. Le coffret Warner mentionne le 14 mai 1953 comme seule date d’enregistrement.
Si les documents originaux portent une mention manuscrite de la main d’Elsa Schiller indiquant une séance supplémentaire le 19 mai pour des corrections (« Korrekturen ») – mais le terme « Korrekturen » n’est pas très clair – la bande originale conservée (utilisée par Warner), dont les mentions dactylographiées datent de manière surprenante de 1960/61 porte seulement les dates « 12 – 14.5.1953 »:
L’hypothèse d’une seule prise réalisée le 14 mai et de l’utilisation des corrections enregistrées le 19 mai reste valable, mais les bases en sont quand même fragiles. Toujours dans cette hypothèse, les mentions portées sur le boîtier de la bande « master » donnent à penser, sans que ceci soit une certitude, que des éléments enregistrés les 12 et 13 mai ont été utilisés.
Plus encore, seul Günter Hermanns est crédité du montage (« Schnitt ») de cette bande « master ». A notre connaissance, mais les données biographiques à son sujet sont difficiles à trouver, il n’était pas encore chez DGG en 1953, et il a seulement commencé a faire des enregistrements comme « Toningenieur » vers 1959. Le nom d’un autre ingénieur du son (« Toningenieur »), Heinrich Keilholz, qui n’était pas cité dans les documents originaux comme ayant participé en 1953 aux séances d’enregistrement, apparaît sur le boîtier de la bande « master », et cette nouvelle participation renforce l’idée d’un nouveau montage.
On peut donc penser que cette bande « master » datée de 1961 résulte d’un nouveau montage à partir des bandes enregistrées à l’époque, que DGG utilise depuis lors de préférence au montage d’origine de 1953. Une nouvelle hypothèse!
Le nouveau montage pourrait alors avoir été effectué seulement à partir des prises des 12 au 14 mai 1953.
Au vu des contradictions entre les divers documents provenant des archives DGG, la ou les date(s) d’enregistrement sont difficiles à confirmer, et à faire concorder avec le récit bien connu selon lequel cet enregistrement a été réalisé en une seule prise (sans montage?). Il faudrait pour cela de nouvelles investigations.
L’ historique complet du montage de cet enregistrement reste à établir.
A&C HD
As far as the May 1953 DGG recording of the Schumann Fourth is concerned it remains difficult to know which takes were used for the editing. The Warner Boxset mentions May 14, 1953 as being the recording date.
If indeed the original documents bear a handwritten comment by producer Elsa Schiller to mention an additional recording session on May 19 for corrections («Korrekturen»), but the word « Korrekturen » is in itself not clear, the official master tape (used by Warner), with typewritten information surprisingly dated 1960/61, bears only the dates «12 – 14.5.1953»:
The hypothesis of a single take on May 14 and of corrections recorded on May 19 remains valid, but its basis is rather fragile. Alongline this hypothesis, the mentions on the box of the «master» tape lead to think that some of the material recorded on May 12 and 13 has been used.
Even more, only Günter Hermanns is credited for the edit (« Schnitt ») of this «master» tape. As far as we know, but biographical information on him is hard to find, he was not working for DGG in 1953, and he started making recordings as « Toningenieur » around 1959. The name of another « Toningenieur », Heinrich Keilholz, who was not cited on the original 1953 documents, and hence did not take part in the original recording sessions, is also on the box of the 1961 master tape, which strengthens the idea of a new edit.
We may thus believe that this 1961 «master» tape is a new edit from the tapes recorded in 1953, which DGG uses since then rather than the original 1953 edit. Another hypothesis!
This new edit might then have been produced only from takes recorded between May 12 to 14, 1953.
In view of the contradictions between the various documents in the DGG archives, the exact recording date(s) remain difficult to ascertain, and to fit with the well-known story according to which the recording was made in a single uninterrupted take (without edits?). This would require further investigations.
The history of how the edits of this recording were conducted remains also to be investigated.
A&C HD
Merci pour ce remarquable travail de recherche et ces nombreuses informations et précisions. Quel dommage que les Wagner donnés à Covent Garden à l’occasion du couronnement de George VI n’aient pas été enregistrés intégralement! Melchior et Furtwängler sur la même affiche, c’est tout simplement insurpassable.
Pour cette « Coronation Season », les enregistrements wagnériens de Furtwängler qui ont survécu ainsi que la 9ème de Beethoven sont issus d’enregistrements effectués à l’initiative de Walter Legge (voir son article de 1973 « Piracy on the High C’s »).
N’ont été conservés que ceux qui ont été considérés comme susceptibles de pouvoir être publiés, et ce sont ceux que l’on retrouve dans le coffret Warner.
Mais, comme l’indique Kirsten Flagstad dans ses mémoires éditées en 1953, aucune autorisation des interprètes n’a été obtenue.
Les 78t. d’une intégrale de Rheingold (24 mai 1937) qui avaient été conservés un certain temps ont été détruits en août 1939. Les 10 faces 78t. recensées du Siegfried du 28 mai 1937 ont également été détruites.
Il faut ainsi noter que, si EMI a fort heureusement conservé les gravures 78 tours de la 9ème de Beethoven, leurs archives de Hayes ne contiennent aucun enregistrement du Ring de la « Coronation Season » (deux cycles sous la direction de Furtwângler).
Les enregistrements wagnériens de Covent Garden que l’on trouve dans le coffret Warner proviennent tous des archives de Lord Harewood, mais Warner s’est bien gardé de l’indiquer.
Il est évident que tous ces enregistrements disparus constituent une perte irréparable.